Une fresque de street art jugée anti-flic

L’oeuvre représentant deux policiers matraquant la République a été créée dans le cadre d’un festival subventionné par la mairie de Grenoble.

Par L’Obs

Deux policiers, matraques en l’air et bouclier estampillé 49-3 au poing, rouent de coups une Marianne affalée au sol. Cette scène est le sujet d’une fresque de l’artiste Goin, créée dans le cadre du festival Grenoble Street Art Fest subventionné par la mairie écologiste. L’œuvre, qui s’étale sur un mur du quartier de la gare de la ville depuis vendredi 24 juin, a suscité un tollé dans la classe politique et chez les syndicats de police.

“C’est honteux, la République, nous la défendons, nous ne lui tapons pas dessus. Cette fresque fait mal, surtout en cette période difficile depuis les attentats”, s’est indigné sur France 3 Alpes Yannick Biancheri, membre du syndicat SGP-Police FO à Grenoble, qui envisage de porter plainte.“Voir des policiers représentés en train de matraquer Marianne, et donc la République, alors que depuis plusieurs mois, et pas plus tard qu’il y a dix jours, ils ont donné leur vie pour elle, c’est indigne !”, s’est révolté Patrick Mairesse, directeur départemental de la sécurité publique dans les pages du “Dauphiné libéré”, faisant allusion au drame qui a frappé un couple de policiers à Magnanville dans les Yvelines.

Une “fresque honteuse”

Le président Les Républicains du conseil départemental de l’Isère, Jean-Pierre Barbier, a également dénoncé une “fresque honteuse”, et a appelé le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, à “prendre ses responsabilités” :

Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a, quant à lui, fait part de son soutien aux forces de l’ordre sur Twitter :

Pour Geneviève Fioraso, députée socialiste de l’Isère et ancienne ministre, “quand la collectivité locale finance sur l’argent des contribuables grenoblois, une fresque réalisée dans le cadre d’un festival subventionné à hauteur de 25.000 euros, à la vue de tous, dans l’espace public, elle est responsable des messages passés”. Matthieu Chamussy, conseiller municipal d’opposition Les Républicains à la mairie de Grenoble, a lui écrit une lettre ouverte à Eric Piolle dans laquelle il se dit scandalisé que “l’argent public participe au financement de telles réalisations” :

Dans ce contexte, le maire doit-il endosser le rôle du censeur ou, au contraire, se poser en défenseur de la liberté d’expression et de la création artistique ? “En tant que politiques, on s’interdit de vouloir gérer la création artistique. On comprend la réaction de la police et d’autres, mais ça reste une œuvre d’art et l’art peut être subversif”, répond la mairie de Grenoble.

Eric Piolle a souhaité rappeler, ce lundi, que “la liberté d’expression fait partie des bases fondamentales de la République. C’est ce que nous défendons tous et ce que la police a défendu après les attentats contre ‘Charlie Hebdo’.” Avant de préciser que l’œuvre n’était pas “une commande publique de la mairie” mais l’une des fresques d’un “festival indépendant” sur lequel le maire ne veut pas avoir “de droit de regard”.

L’organisateur du festival, Jérôme Catz, a pris la défense de l’artistedans les pages du “Dauphiné libéré” en précisant que l’objectif de Goin n’était pas de s’attaquer aux policiers mais bien à l’Etat :

“D’ailleurs, dès vendredi quand nous avons su qu’il y avait une polémique, l’artiste, qui est un artiste anonyme qui cherche à faire réagir les gens, a rajouté un titre à son œuvre, qu’il a appelée ‘L’Etat matraquant la liberté’. Cette œuvre, c’est une allégorie à l’Etat actuel et à l’emploi du 49-3 pour faire passer la loi Travail. Maintenant, si une œuvre fait réagir, c’est bien, c’est aussi le but de l’art.”De son côté, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, David Cormand, a tenu à témoigner son soutien à Eric Piolle, ce lundi, au micro de France Info :

“Figurez-vous que dans une ville écologiste, ce n’est pas le maire qui explique aux artistes ce qu’ils doivent peindre. Ce sont les artistes qui décident de s’exprimer. On est dans le champ de la liberté d’expression artistique […] Ce que l’artiste a voulu exprimer, c’est que peut être aujourd’hui en France l’Etat est dans une dérive autoritaire et à titre personnel, politiquement, c’est une analyse qui n’est pas très éloignée de la mienne”.Le mur sur lequel a été peinte la fresque sera détruit dans quelques jours dans le cadre de travaux de réhabilitation du quartier de la gare.

M. H.

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